Citation (ericlc @ dim. 4 nov. 2012, 18:50)
ah putain que ça fait du bien, enfin quelqu'un de sensé !
Je ne suis pas seul, rassurres-toi, on est pas mal dans ce cas. Comme tu le sais, j'ai une double casquette,
celle de créateur, mais aussi d'employeur depuis 4 ans (+ de 300 cachets en 2011, moitié artistes, moitié techniciens).
Et malheureusement, je vois bien les dérives mais aussi les difficultés (qui sont quand même concentrées plus particulièrement
sur les interprètes que sur les techniciens).
Les abus en tous genre ont compliqué l'emploi des intermittents que ce soit du coté employeur que du coté salarié,
avec la cerise certification, qui, même si elle a du sens, est pénalisante pour les petites entreprises (900€) et qui vient
en double couche des dispositifs existants de contrôle des services du travail. De plus, je vois un lien
avec les arguments que je vais développer ci-après.
Les difficultés économiques de nos secteurs d'activité génèrent depuis quelques années déjà
un éclatement des statuts. Le marché ne peux simplement plus absorber les artistes et techniciens du secteur.
Il est désormais monnaie courante, chez des grands opérateurs de post ou studios ,
de trouver des tarifs de mixage (studio très bien équipés) à moins de 800 € ht la journée mixeur compris.
Idem pour des prestations à forte valeur ajoutée comme l'étalonnage (1200 HT opérateur inclus) avec 400 K€ de matos dans la salle.
Il suffit de faire un calcul très simple pour comprendre l'ampleur des dégats et ce que la perte d'activité
en volume du secteur génère. Tu rajoutes à cela les concurrences intra européennes (dispositifs de
soutien comme le tax shelter en Belgique) et tu comprends vite que le problème du statut d'intermittent
va bien au delà d'une simple remise en cause des acquis sociaux et de l'exception culturelle de notre pays.
Au risque de paraître pessimiste, on va rentrer dans une période de dérèglementation absolue.
En gros pour faire simple , je n'ai plus eu les moyens cette année de faire appel à des intermittents sur de nombreux
postes comme en 2011, car le "marché" (sale mot) ne me donne plus cette possibilité. Même le service public
se défausse sur des boites comme la mienne pour avoir moins recours en interne au CDD d'usage...
Du coup, j'embauche à plein temps en CDI, sur des postes qui jusque là étaient plutôt intermittents :
mixeur, monteur son, assistant monteur. Du coup, j'ai du faire 50 cachets cette année au max....
Le résultat est un transfert progressif de l'intermittence vers du salariat traditionnel, mais aussi
de l'intermittence vers des statuts indépendants par le nombre croissant de techniciens et artistes
qui n'ont plus aucune possibilité de faire leurs heures.
Et je m'aperçois que cela peut encore descendre plus bas car je suis en concurrence désormais, grâce
aux progrès de la technologie, avec les indépendants de mon secteur, qui avec un PT et un peu
de savoir-faire, mixent ou étalonnent à des prix que je suis incapable de concurrencer.
La certification sociale veut sans doute réguler cela pour les gros labos, mais j'ai peur que ce soit un coup
dans l'eau, je crois que le mal est déjà trop grand.
Notre pays entier, et moi le premier, avons du mal à accepter la situation : moins de travail,
moins d'argent, des conditions qui se détériorent. Travailler plus pour gagner moins,
c'est bien cela que nous vivons, même si il a quelques contre exemples, mais de plus en plus rares....